DES VOEUX POUR NE RIEN DIRE OU DES VOEUX A VIVRE ?



A la veille de mon départ et de nouveaux défis à affronter de part et d'autre, pour notre UP et pour notre monde, notre Eglise... en pleine (r)évolution, chers frères et soeurs, je pensais que cette méditation du Père Devert exprime bien en ce début d'année, époque de voeux et de résolutions, ce que je vous souhaite à chacun et chacune, et à tous ensemble : incarner, avec la force de l'Esprit, l'Espérance, rendre l'utopie possible en risquant et se risquant dans la mêlée pour un monde - et un homme (moi, vous) - meilleur ! Votre désormais ancien curé Bernard    

 

(Retranscription de la chronique: Habitat et Humanisme, du Père Bernard Devert, sur les ondes de RCF ce 6 janvier 2024)

Chers auditrices et auditeurs, permettez-moi d’abord de vous adresser tous mes vœux. Des vœux “pour rien dire” ? Non, des vœux à vivre ! 

Les traditions se perdent, dit-on. Il en est une, la présentation des vœux, qui se maintient - comme pour exorciser la violence et ces drames tragiques auxquels nos sociétés sont confrontées. Personne n’est dupe. Le “meilleur” échangé traduit pourtant la recherche d’une ouverture qui pourrait se révéler la chance d’un nouveau récit de vie dans cette intention vigilante et espérante : faire du neuf. 

Or ces vœux, aussitôt les premiers jours de l’an passés, sont oubliés - sauf quelques cartes accompagnées de mots qui parfois nous ont touchés. Alors, des voeux pour rien ? Non, ces vœux sont une tentative d’un monde autrement, un essai finalement mais qui demande à être transformé. Pourquoi sommes-nous si paralysés ? Aurions-nous peur de changer et de faire changer ce que nous évoquons ?

Souhaiter le meilleur ne saurait être une simple formule ; quand les mots s’ajoutent à d’autres mots sans qu’ils parviennent à devenir une parole qui engage, alors les faux-semblants s’accumulent avec comme conséquence le poids des fatalités jetant les promesses dans les abîmes. 

C’est en se mobilisant que le rêve devient une réalité, c’est en décuplant nos énergies que les obstacles se franchissent jusqu’à entrevoir, ô surprise, un autre monde. “Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve”, pour reprendre cette belle expression de Hölderlin. Ne laissons pas nos vœux emportés par la magie du verbe (la parole) ! Si le Verbe s’est fait chair, c’est aussi un appel à ce que notre parole “prenne chair” au coeur de nos engagements ; souvenons-nous des mots si justes de Saint-Exupéry qui rappelle que le prophète n’est pas celui qui dit l’avenir, mais celui-là même qui le rend possible. Ces possibles sont trop considérés comme des utopies irréalisables alors que précisément elles sont celles qui ouvrent une direction, un sens et une responsabilité, créant des liens, de l’inattendu, souvent de l’inespéré !

Difficile, ce chemin peut être souvent abrupt, d’autant que les doutes ne manquent pas d’être amplifiés par des porte-voix qui sous couvert d’une sagesse trompeuse, invitent à la prudence : celle-là même qui éloigne de l’Espérance. De son exil brésilien, dans la tourmente, Georges Bernanos écrivait : “L’espérance est un risque à courir”. Demandons-nous quel risque allons-nous choisir de courir cette année ? Vivre, c’est faire vivre ; refuser l’indifférence pour ne plus accepter ces situations dégradantes qui nous déshumanisent pour les tolérer. La misère, nous la croisons quotidiennement. Mais pour autant, nous avons peine à rencontrer, c'est-à-dire à s’approcher de ceux qui la subissent. Où est l’espérance ? Elle est là : dans cette relation, si nous voulons bien entrevoir que l’espérance, toujours selon Bernanos, relève d’un désarroi surmonté. 

2024 est l’année de l'olympisme. Ne la vivons pas seulement dans les stades ou derrière des écrans, mais à partir de nos vœux vécus comme des enjeux ! Alors, déjouant les fatalités qui accablent, acceptant d’entrer dans la mêlée et de nous mêler, de mettre en échec la pauvreté, nous vivrons cet essai comme finalement cette chance de pouvoir vivre ces mots de Hölderlin : “Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve”; mais ce qui sauve doit aussi nous conduite à ne pas nous sauver, à ne pas nous dérober de nos responsabilités. L’année 2024, faisons-en une année engagée pour que cette utopie prenne chair, celle d’un monde meilleur - pour que la dignité de chaque être soit davantage reconnue.

Allez, courage ! Dans cette perspective, qui n’est pas sans susciter des ouvertures, je vous souhaite une belle année !




https://www.rcf.fr/actualite/la-chronique-dhabitat-et-humanisme?episode=438664