EDITO

 

Bonjour à toutes et à tous,
Ce mois-ci, l’édito habituel du curé cède sa place à celui de notre évêque, que nous avons la joie d’accueillir dans ces pages.

 

Florilège de synodalité et de mission

 

Rencontre des services de la curie

 

16 septembre 2025

 

Jean-Pierre Delville

 

 

Chers Amis,

 

 

Je voudrais faire un point de situation sur la synodalité et la mission dans notre diocèse.

Sur le mode du florilège : le florilège, c’est un recueil de bons éléments. L’image rappelle les fleurs, le mot « Florilegium » signifie un « choix de fleurs », avec l’idée d’une abeille qui fait son choix de fleurs à butiner. C’est pourquoi on a placé ici un choix de fleurs, un bouquet de fleurs, pour nous inciter à choisir des fleurs à butiner. La pastorale de notre diocèse est comme un bouquet de fleurs qui incite au butinage. Chaque fleur est différente, comme chaque service est différent, comme chaque personne est différente. Mais on a tous des couleurs à faire valoir, des parfums à diffuser, des pollens à diffuser pour produire avec fécondité des semences, des germinations et des plantations nouvelles.

J’approche de mes 75 ans, le 29 avril 2026, je remettrai ma démission au Pape, mais je dois songer à l’avenir du diocèse quand même. C’est pourquoi je fais aujourd’hui le point sur cette double démarche : synodalité et mission. Je le fais dans l’espérance, au cœur de cette année jubilaire de l’espérance.

 

I. Synodalité : un florilège de bonnes pratiques

1.Nos rétroactes

 

Dans notre diocèse, nous avons lancé une enquête, pilotée par l’équipe synodale, sous la guidance du professeur Henri Derroitte. Il s’en est suivi ma lettre pastorale de carême 2022 : « Quo vadis ? ». Nous avons diffusé les résultats dans une assemblée le 6 juin 2022, avec une synthèse que j’ai rédigée sous le titre : « Adam, où es-tu ? »

Elle donnait deux clés d’interprétation : « la communauté avant l’institution » et « la promotion de la diversité des charismes au sein d’une Église synodale ». Elle avançait 6 « propositions concrètes » : lancer des formations à l’écoute, donner davantage de place et de lisibilité à la parole de Dieu, instituer de nouveaux ministères, renouveler les liturgies, renouveler le mode de gouvernance en Église et, prioritairement à tout, « mettre le Christ au centre ». Puis j’ai publié en novembre 2022 une lettre pastorale d’avent sous le titre « Élargissons l’espace de notre tente ! », afin de baliser la démarche synodale.

Le synode d’octobre 2024 à Rome sur la synodalité dans l’Église a donné ses fruits, en produisant un document final, ratifié par le Pape et diffusé sous forme de livret. Il a été complété par des Pistes de travail, diffusées le 29 juin 2025 par le secrétariat du synode.

 

Le synode a été précédé dans notre diocèse et ailleurs par une grande consultation.

 

En septembre 2023, a été constitué le Conseil pastoral diocésain. Il contribue à réfléchir aux questions de fond de notre Église et de son engagement dans la société́. La première rencontre a eu lieu le 7 octobre 2023. Elle regroupait dix hommes et dix femmes, originaires de milieux diversifiés. Le Conseil a été confirmé pour trois ans en 2024.

 

Ensuite, nous avons fait une nouvelle consultation diocésaine en mars-avril 2024, en préparation à l’assemblée du synode des évêques d’octobre 2024, synthétisée dans un texte du 30 avril 2024, en 2 pages dans sa version brève. Relevons les « initiatives » prioritaires à développer : « favoriser la coresponsabilité pastorale et missionnaire d’une part, privilégier des lieux d’évangélisation pour inventer d’autres (nouvelles) formes de présence, à côté des paroisses, créer des tiers-lieux, mettre les familles en réseaux ». Donc un double volet : participation et mission.

 

En septembre 2024, j’ai créé un vicariat à la synodalité et la formation pour promouvoir la synodalité grâce au cadre de la formation chrétienne.

 

2.Les ministères laïcs

 

Le 17 septembre 2024, j’ai signé l’institution des trois ministères laïcs, destinés aux femmes et aux hommes de notre diocèse. En ce mois de juillet 2025, nous avons publié le Cahier de route des ministères laïcs, que vous trouverez ici et sur le site internet. Une commission a été mise sur pied et elle a déjà accueilli les demandes de plus de dix personnes. Je rappelle de quoi il s’agit.

Le lectorat, ou « service de la parole », confère à un laïc la fonction de lire la Parole de Dieu qui est proposée dans la liturgie eucharistique comme première et comme seconde lecture. Il implique aussi une capacité d’expliquer l’Écriture sainte dans des cercles bibliques ou dans des groupes de catéchèse ou de prière.

L’acolytat, ou « service de la prière communautaire et de l’eucharistie », confère à un laïc la fonction d’accompagner l’eucharistie ou d’autres célébrations liturgiques, en aidant le prêtre à l’autel dans les différentes fonctions qui sont prévues par le missel, le rituel des sacrements ou le Pontifical des évêques. Il implique aussi la mission de porter la communion aux malades et de conduire une célébration de prière en l’absence de prêtre.

Le ministère du catéchiste est conçu essentiellement par le Pape François comme une charge de mission. Le catéchiste a une fonction de missionnaire et d’évangélisateur, implantant l’Église en initiant à la foi et en préparant aux sacrements. C’est un ministère d’évangélisation et de refondation. Il peut être ciblé sur l’aspect d’évangélisation ou sur celui de direction de communauté[1].

3.Le synode d’octobre 2024 et les « Pistes » du 29 juin 2025

 

Lors de l’assemblée synodale romaine d’octobre 2024, une prise de conscience collective forte est advenue. Le « Document final » de cette Assemblée rappelle ainsi, avec force et précision, que « la vocation de l’Église et son service prophétique (Lumen Gentium 12) consistent à témoigner du projet de Dieu d’unir à lui toute l’humanité dans la liberté et la communion » (Document Final, n° 20).

Dix sujets importants sont abordés par des groupes d'étude hors du synode de 2024 et seront traités à l’avenir : les relations avec les Églises orientales, le cri des pauvres, la mission à l'ère numérique, la formation des prêtres, les ministères et le rôle des femmes, la vie consacrée, la figure et les fonctions des évêques, le rôle des nonces, les questions controversées, et le dialogue œcuménique

 

Le 29 juin 2025, la Secrétairerie générale du Synode à Rome a envoyé aux Églises particulières des Pistes pour la mise en œuvre du synode pour la période 2025-2028. Que contient ce texte, en quoi le diocèse de Liège est-il concerné ?

Notons d’abord qu’il est un document au service de la mise en œuvre du DF, et plus largement de la logique synodale. La bonne clé pour le lire est indiquée dès sa première page : « La forme synodale de l’Église est au service de sa mission et tout changement dans la vie de l’Église vise à la rendre plus apte à proclamer le Royaume de Dieu et à témoigner de l’Évangile du Seigneur aux hommes et aux femmes de notre temps. » C’est le même double volet.

 

Ces Pistes nous proposent d’abord un calendrier :

Juin 2025 à décembre 2026 : parcours de mise en œuvre dans les Églises locales ;

Premier semestre 2027 : Assemblées d’évaluation dans les Diocèses. Pour notre diocèse de Liège, cela pourrait être une assemblée diocésaine au printemps 2027 ;

Deuxième semestre 2027 : Assemblées d’évaluation dans les Conférences épiscopales nationales et internationales ;

premier trimestre 2028 : Assemblées continentales d’évaluation ;

Octobre 2028 : Assemblée ecclésiale au Vatican.

Le texte nous résume ensuite avec une formule claire ce qu’est le défi de cette nouvelle phase, 2025-2028, du processus synodal : « La phase de mise en œuvre vise à expérimenter des pratiques et des structures renouvelées qui rendent la vie de l’Église de plus en plus synodale. »

 

4.L’équipe synodale diocésaine

 

L’équipe synodale diocésaine, spécialement chargée de l’animation du processus pour 2025-2028. Cette équipe synodale diocésaine est appelée à être « l’instrument fondamental pour l’animation ordinaire de la vie synodale de l’Église locale » (Pistes, p. 11). Le choix de personnes appelées à venir rejoindre l’équipe synodale : laïcs et prêtres, avec diversité d’âges, de culture, de formation. Il serait bon que des responsables diocésains en fassent partie, aussi des personnes engagées dans le témoignage apostolique, dans les engagements sociaux.

Quel sera précisément son rôle ? Lisons le texte lui-même des Pistes :

· Promouvoir et faciliter la croissance du dynamisme synodal dans les contextes concrets dans lesquels vit chaque Église locale ;

· Rendre le processus synodal plus capillaire et participatif ;

 

· Identifier les outils et les méthodologies appropriés, y compris ce qui concerne les propositions de formation ;

· Promouvoir la disponibilité et la formation d’animateurs et de coordonner leur travail ;

 

· Mettre en œuvre les initiatives appropriées ;

 

· Recueillir les fruits du processus de la mise en œuvre, en vue également de la phase d’évaluation et des Assemblées prévues à partir de 2027.

Les Pistes développent ensuite des recommandations sur l’accompagnement du processus synodal au plan national.

 

L’état d’esprit est clair : l’objectif propre de la phase de mise en œuvre est de discerner les étapes de la conversion de la culture, des relations et des pratiques ecclésiales, et par conséquent de la réforme des structures et des institutions.

 

5.Une méthodologie liégeoise de la synodalité

 

Très concrètement, voici 4 points suscités par le DF et par les Pistes que le diocèse met en route dès cette rentrée pastorale de 2025. Prions ensemble l’Esprit-Saint et Saint Lambert, le patron de notre Église, de nous donner force et courage pour les mener à bien.

 

a) Le diocèse souhaite faire mieux connaître le DF et les possibilités qu’il ouvre pour le renouvellement missionnaire et synodale de l’action de l’Église.

b) Le diocèse ne part pas de rien pour une mise en œuvre de la synodalité. Dans des lieux forts variés, par des chrétiennes et des chrétiens aux parcours de vie fort différents, dans des lieux stables comme dans des initiatives sui generis, de multiples exemples de bonnes pratiques synodales existent déjà. Le diocèse souhaite les faire connaître, les faire circuler d’une paroisse à l’autre, d’un lieu à l’autre. C’est pourquoi, d’ici un an, le diocèse publiera sous une forme encore à définir un florilège de 100 pratiques synodales porteuses d’espoir réellement vécues dans note diocèse. Le but de cette publication sera évidemment de donner envie, de renforcer l’espoir : l’Église de Dieu qui est à Liège est engagée, par la volonté des papes François et Léon, à être une Église crédible, désirable, missionnaire, créative.

 

c) En lien avec le Chantier paroisses et avec le conseil presbytéral et le conseil pastoral diocésain, le diocèse proposera aux UP et aux communautés diverses d’engager un travail de discernement et de dialogue, selon la méthode dite « méthode KISS »[2]. Le but est de penser le renouvellement de l’action pastorale localement dans une logique résolument synodale et missionnaire. La méthode KISS repose sur quatre concepts clés :

   Keep (Continuer) : Identifier ce qui fonctionne déjà et contribue positivement à nos objectifs. C'est le maintien des éléments qui ont fait leurs preuves ;

   Improve (Améliorer) : Cibler les aspects perfectibles. Une évaluation critique des processus existants pour les rendre plus efficaces, efficients, ou de meilleure qualité ;

   Start (Commencer) : Explorer de nouvelles idées, pratiques ou méthodes pour enrichir notre approche. Innover et introduire des éléments qui peuvent apporter de la valeur ajoutée ;

   Stop (Arrêter) : Identifier les pratiques ou éléments qui ne contribuent plus significativement à nos objectifs. Éliminer des processus obsolètes.

    

   d) Une assemblée diocésaine est prévue dans le processus synodal décrit dans les Pistes. Selon le calendrier que nous avons reçu, ce serait pour le printemps 2027. Pour préparer cette assemblée, une consultation, peut-être sous forme d’un questionnaire, sera adressée largement aux baptisés dans tout le diocèse.

6.Conclusion

 

Pour ce faire, j’installerai pour la Toussaint 2025 la nouvelle équipe synodale diocésaine. Je le ferai en tenant compte des disponibilités de l’actuelle équipe et des recommandations que donnent les Pistes pour sa constitution. Je serai associé à tous moments aux travaux de l’équipe synodale diocésaine. Je veillerai aussi à préciser avec les organismes de participation et selon les directives des Pistes, les modalités de collaboration entre cette équipe synodale diocésaine et les conseils du diocèse. Avec le Vicaire général et avec le conseil économique du diocèse, je veillerai aussi à doter cette équipe de moyens humains et financiers disponibles et nécessaires à son bon fonctionnement. 

Dans l’attente de la constitution de cette nouvelle équipe diocésaine, je demande à l’actuelle équipe de continuer sa mission jusqu’à la Toussaint 2025.

 

II. Mission et transmission de la foi

 

Suivant nos services diocésains et nos activités, la transmission de la foi se fait différemment[3]. On pourrait se baser sur quatre caractéristiques du chrétien présentes au baptême : le chrétien est prêtre, prophète et roi, en plus d’être frère et sœur en tant que fils et fille de Dieu. Ces quatre caractéristiques sont développées dans les quatre constitutions du Concile Vatican II : Sacrosanctum Concilium (sur la prière et la liturgie), Dei Verbum (sur l’annonce de la parole de Dieu), Gaudium et Spes (sur le rapport à la société) et Lumen gentium (sur l’Église, peuple de Dieu).

 

1. Prêtre (dimension mystique ou mystagogique)

Jésus se retire dans la montagne pour prier (Lc 6,12). De même il invite le chrétien à se retirer dans sa chambre pour prier dans le secret (Mt 6,6). Cela intrigue ses disciples, au point qu’ils lui demandent : « Apprends-nous à prier » (Lc 11,1). Jésus leur propose alors la prière du « Notre Père ». Cette prière est en quelque sorte le « credo » de Jésus, la prière de ralliement des chrétiens. L’initiation mystagogique, c’est le cheminement vers les mystères de la foi et vers la prière, après qu’on a vécu les sacrements de baptême et d’eucharistie. Nous pouvons repérer les « nappes phréatiques » de la foi, c’est-à-dire des pratiques cachées mais bien présentes, dans le cadre de la piété populaire et des recherches spirituelles.

 

2. Prophète (dimension kérygmatique)

Il s’agit de la première annonce, celle du cœur de la foi (EG 163), le kérygme : « Jésus-Christ est mort et ressuscité ». Le fait de cibler l’annonce de la foi sur la personne de Jésus est le cœur de l’annonce, spécialement dans la catéchèse. Jésus annonce le royaume de Dieu et fait découvrir Dieu comme un père. C’est le cœur de la transmission de la foi. C’est pourquoi on peut dire, à la suite de Valérie Le Chevalier : « Ce qui crée une transmission, c’est le sens d’être fils, comme dans la parabole du fils prodigue[4] ». Il s’agit d’utiliser les moyens numériques et les moyens de communication. Il s’agit aussi de s’inspirer de la culture de notre temps, de notre tradition et de notre histoire, pour donner le goût de la foi.

 

3. Roi (dimension éthique ou salvifique)

J’appelle dimension éthique celle qui ressort de l’engagement envers les pauvres et en faveur de la paix, en ce qu’il éclaire et sauve notre vie, en plus de rendre service aux autres. Jésus guérit les gens malades ou pris par de mauvais esprits. Sa parole se fait engagement et salut. Ce salut débouche sur la vie éternelle et ne se limite pas à la dimension matérielle. De même les premières communautés chrétiennes sont des lieux en décalage profond avec la société ambiante qui est caractérisée par la violence, l’esclavage, l’absence de morale publique, l’exploitation de l’homme par l’homme. Ceci se réalise à travers nos services sociaux et nos aumôneries.

 

4. Frère et sœur (dimension communautaire)

Les premiers disciples sont très vite chargés de répercuter le message du Christ. Qu’on pense aux 72 disciples, qui reviennent de mission tout contents, en disant : « les démons nous sont soumis » (Lc 10,17). Ils ne sont pas des pédagogues ni même des gens instruits. Ils transmettent ce qu’ils ont compris, comme ils le peuvent, sans systématisation.

De même, dans les communautés de l’Église primitive, l’amour mutuel des chrétiens est un signe de foi. Aujourd’hui cette dimension communautaire doit être vécue d’une façon renouvelée par la fraternité dans l’Église et dans le monde.

Nous devons être des minorités créatives. Nous devons vivre la synodalité, en pratiquant l’accompagnement mutuel et la réactivité aux événements.

 

Conclusion

 

Avec ces quatre dimensions en tête, nous pouvons aussi créer un florilège.

Il faut se réjouir de la variété des sensibilités. Si l’on pense à ré-enchanter le message, à le dire avec les mots de notre culture et de notre temps, la transversalité entre les approches s’impose. Synodalité va de pair avec mission et transmission de la foi.

 

 

                                                                  Mgr DELVILLE Jean-Pierre



[1] Cf. Jean-Pierre Delville, La démarche synodale dans le diocèse de Liège, dans Paschal Ikenna, L’entretien synodal, à paraître en octobre 2025 auxéditions Aschendorff Verlag.

 

[3] Cf. Jean-Pierre Delville, Perspectives pour la communication de la foi, dans François-Xavier Jacques et Marcel Villers (éd.), L’appel missionnaire. Prêtres et volontaires liégeois. Hier, aujourd’hui, demain, Liège, 2022, p. 175-187.

 

[4] Valérie Le Chevalier, Ces fidèles qui ne pratiquent pas assez. Préface de Christoph Theobald, Paris, 2018, p. 89.