Lors de sa conférence, à Verviers, Alphonse Borras avait prévenu: il ne fallait pas s'attendre à de grands bouleversements de la conclusion du synode sur la synodalité, qui a eu lieu à Rome, dans les premières semaines d'octobre. Participant comme référent à cette dernière phase, il avait raison: les cent cinquante-cinq articles de conclusions finales, pour ne pas manquer d'intérêts, ne rencontrent pas les demandes, notamment des évêques allemands, désireux de voir les femmes accéder à la prêtrise, et, rejoints par les évêques belges, à l'octroi d'une bénédiction aux couples de même sexe qui en feraient la demande.
«Pas de bouleversements» avait annoncé Alphonse Borras |
Cette revendication avait d'emblée été écartée, notamment sous pression des évêques africains, dont la plupart vivent dans des pays où non seulement les unions de ce type ne sont pas admises, mais bien souvent sont réprimées sévèrement par la loi.
Quant au rôle des femmes dans l'Église, comme cela a déjà été dit, la manière dont il a été abordé à la soixantième recommandation, est loin de répondre aux attentes.
La conclusion du document a pourtant confié les résultats du synode à la Vierge Marie, «elle qui porte le titre splendide d’Odigitria, celle qui indique le chemin et qui guide. Elle, la Mère de l’Église, a aidé
au cénacle la communauté naissante à s’ouvrir à la nouveauté de la Pentecôte».
Mais la soixantième recommandation a douché bien des attentes.
Elle s'ouvre pourtant sur une forte déclaration de principe: «En vertu du baptême, les hommes et les femmes jouissent d’une égale dignité dans le peuple de Dieu. Cependant, les femmes continuent à rencontrer des obstacles pour obtenir une reconnaissance plus pleine de leurs charismes, de leur vocation et de leur place dans les diverses sphères de la vie de l’Église, ce qui nuit au service de la mission commune».
«Le rôle prépondérant des femmes dans l'histoire du salut»
«Les Écritures attestent du rôle prépondérant de nombreuses femmes dans l’histoire du salut», poursuit le texte. «C’est à une femme, Marie de Magdala, qu’a été confiée la première annonce de la Résurrection. Le jour de la Pentecôte, Marie, Mère de Dieu, était présente au cénacle avec beaucoup d’autres femmes qui avaient suivi le Seigneur. Il est important que les passages de l’Écriture relatifs aux femmes trouvent une place convenable dans les lectionnaires liturgiques».
La suite semble prometteuse: «Certains moments cruciaux de l’histoire de l'Église confirment la contribution essentielle de femmes mues par l’Esprit. Les femmes constituent la majorité des fidèles et sont souvent les premiers témoins de la foi dans les familles. Elles sont actives dans la vie des petites communautés chrétiennes et des paroisses ; elles dirigent des écoles, des hôpitaux et des centres d'accueil ; elles sont à l’origine d’initiatives de réconciliation, de promotion de la dignité humaine et de la justice sociale. Les femmes contribuent à la recherche théologique et occupent des postes à responsabilité dans les institutions liées à l'Église, dans les curies diocésaines et à la Curie romaine».
«Ce qui vient de l'Esprit Saint ne peut être arrêté»
La conclusion semble donc s'imposer, quand on lit «Des femmes occupent des postes d'autorité ou sont à la tête de communautés. Cette assemblée appelle à mettre pleinement en œuvre tout ce qui est déjà possible quant au rôle des femmes dans le droit en vigueur, en particulier dans les lieux où ces possibilités ne sont pas concrétisées. Il n’existe pas de raison d’empêcher les femmes d’assumer des rôles de guide dans les Églises : ce qui vient de l'Esprit Saint ne peut être arrêté».
Le faux pas final
Puis patatras, la recommandation se termine par une phrase-couperet: «La question de l’accès des femmes au ministère diaconal reste également ouverte et le discernement à ce sujet doit se poursuivre».
Et ce n'est pas la phrase finale qui voit l’assemblée demander en outre «qu’une plus grande attention soit portée au langage et aux images utilisés dans la prédication, l’enseignement, la catéchèse et la rédaction des documents officiels de l’Église, en donnant plus de place à la contribution des saintes, des théologiennes et des mystiques» qui peut effacer la déception.
Des filles qui servent la messe aux multiples femmes qui prennent des initiatives dans l'Église, sans y accéder au statut de «saintes, théologiennes, ou mystiques», la recommandation semble ne guère tenir compte.
Que, par ailleurs, les réflexions des évêques de Belgique sur «la tradition», «le défi numérique», et «l'unité dans la diversité» aient trouvé des échos dans les diverses recommandations, détaillées sur cinquante-cinq pages ne suffit pas à effacer le malaise.
Une nouvelle fois, si on compare l'Église catholique aux Églises protestantes, qui depuis longtemps ont des pasteures, voire des évêques féminines, on ne peut que s'interroger sur ce manque d'audace. Nous l'avons déjà évoqué, une femme qui s'est vu refuser l'accès au diaconat s'est adressée à la Justice, en Flandre. Si d'aventure, elle obtenait gain de cause, que resterait-il de cette soixantième recommandation?