COMMEMORATION DE L' ARMISTICE



Célébration en l'église St Fiacre de Dison 
en présence des autorités communales, 
des représentants des associations patriotiques 
et du clergé.


OUVRIR LES YEUX !

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples: "Comme cela s'est passé aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il dans les jours du Fils de l'homme. On mangeait, on buvait, on prenait femme, on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche et où survint le déluge qui les fit tous périr. Il en était de même au temps de Loth : on mangeait, on buvait, on achetait, on vendait, on plantait, on bâtissait ; mais le jour où Loth sortit de Sodome, du ciel tomba une pluie de feu et de soufre qui les fit tous périr ;  cela se passera de la même manière
le jour où le Fils de l’homme se révélera.
    En ce jour-là, celui qui sera sur sa terrasse, et aura ses affaires dans sa maison, qu’il ne descende pas pour les emporter ; et de même celui qui sera dans son champ, qu’il ne retourne pas en arrière. Rappelez-vous la femme de Loth qui fut changée en statue de sel parce qu’elle s’était retournée pour observer le désastre.
    Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera. Prenant alors la parole, les disciples lui demandèrent : « Où donc, Seigneur ? » Il leur répondit : « Là où sera le corps, là aussi se rassembleront les vautours. »  (Luc 17,26-37)

HOMELIE (abbé Pönsgen)

« Là où sera le corps, là aussi se rassembleront les vautours » : Quelle parole alarmiste !

Et pourtant, il faut bien reconnaître que les vautours de la démocratie n’ont jamais été aussi nombreux, que ce soit aux Etats-Unis (malgré une défaite relative du parti conservateur aux élections de mi-mandat), ou sur notre vieux continent européen où les mouvements d’extrême droite accèdent de plus en plus un peu partout au pouvoir et font basculer les barrières établies après la dernière guerre mondiale pour empêcher le retour de la bête... Et ne parlons même pas de la Russie et de la Chine où la démocratie n’est qu’un déguisement pour masquer la dictature.

La démocratie est-elle donc agonisante, ou déjà morte ?

En tout cas elle serait aujourd’hui menacée, fragilisée, dans un contexte de crise mondiale, à la fois économique, sociale, climatique et énergétique, où les pénuries et les conflits pour les ressources risquent de provoquer un effondrement global. Toutes ces crises s’implémentent en effet les unes les autres comme dans un effet domino. Personne ne sait trop jusqu’où cela pourra aller, et si ces crises pourront prendre fin un jour. Et cela favorise évidemment les idéologies extrêmes qui jouent sur la peur et la colère des gens, entretiennent ces angoisses et ces frustrations par des discours radicaux pour assoir leur pouvoir… et forger les dictatures de demain.

Mais peut-être est-ce le défaut de nos vieilles démocraties de ne pas trop s’inquiéter, justement, en pratiquant une politique « à la petite semaine » qui isole les problèmes sans les envisager dans leur globalité, soignant souvent le mal par des pansements qui ne traitent pas les causes profondes… Ces défauts de prévision à long terme ont fait s’accumuler par exemple l’empreinte carbone jusqu’à un niveau insoutenable pour la planète, mais aussi la dépendance énergétique, la dette publique et bien d’autres exemples encore… Le « on verra bien » et « tout va s’arranger » nous a rendus potentiellement aveugles !

Comme au temps de Noé ; comme à l’époque de Loth dans les temps bibliques ! Le déluge, le désastre est arrivé, dit Jésus, alors que personne ne s’y attendait : on mangeait, on buvait, on achetait, on vendait, on plantait, on bâtissait… et tout s’est effondré d’un coup ! Plein d’innocents ont péri.

Et cela nous ramène à l’objet de cette commémoration du 11 novembre et de l’Armistice de 1918.

Quel rapport entre le souvenir des événements qui ont eu lieu il y a plus d’un siècle, une guerre meurtrière qui a été le prélude d’une seconde tout aussi sanglante, et la crise que nous connaissons aujourd’hui ?

 

Sans vouloir jouer les Cassandre, je pense que nos prises de conscience sont bien trop lentes

Ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine, aux frontières de l’Europe, est un avertissement.

Le choc énergétique que nous subissons actuellement avec ses répercussions dramatiques sur l’économie et le bien-être social de l’ensemble de la population, est un avertissement.

Les inondations catastrophiques et les sécheresses ou les incendies subis un peu partout dans le monde ces derniers temps, les tornades et la disparition des glaciers, sont des avertissement.

La diminution de la biodiversité, la raréfaction du vivant, sont aussi un avertissement ; et les tergiversations d’une société qui n’arrive pas à résoudre ses problèmes de mobilité et d’éducation, à sortir d’un modèle de production, d’exploitation des ressources et de consommation qui dérape de plus en plus au détriment de la santé de la planète et des gens, tout cela sont des avertissements on ne peut plus clairs. Les voyants sont au rouge, partout ; mais on continue à rouler comme avant. 


Cet aveuglement, cet acharnement à ne pas vouloir voir les avertissements, nous le retrouvons au début de la deuxième guerre mondiale. Comme la première guerre, la seconde nous a laissé des leçons qu’on a quelquefois ignorées.


Le 1er septembre 1939, l’Allemagne a attaqué la Pologne, invoquant son « Lebensraum », la présence d’une minorité allemande historique en Silésie (cela ne nous évoque-t-il pas quelque chose par rapport au conflit en cours en Ukraine ?). Le 17 septembre, l’armée rouge fait de même et envahit à son tour la Pologne, qui est ainsi devenue la première victime meurtrie de la guerre. A ce moment-là, Hitler et Staline n’ont rencontré aucune réaction concrète des Etats occidentaux. On s’est un peu scandalisé pour la forme, mais on a laissé faire. La passivité des Européens dans cette première phase du conflit reste une tache honteuse, mais aussi surtout une grave erreur : Quand la Pologne, la première a être brutalisée par le régime criminel, saignait, à Paris, à Londres et ailleurs, beaucoup croyaient qu’Hitler allait se satisfaire de cette conquête et se calmer… Ils allaient bientôt constater combien ils avaient tort !

L’Occident a pris très lentement conscience de l’enfer que l’Allemagne nazie a fait vivre aux citoyens de la Pologne. C’est sur son territoire que les Allemands ont commis leurs crimes les plus odieux, comme la shoah. Et pourtant, malgré les témoignages de plus en plus nombreux qui arrivaient aux alliés et même au pape, alors que la guerre était engagée depuis de longs mois, l’Occident n’était pas prêt à accepter la pleine vérité. Encore aujourd’hui, la propagande russe tente de convaincre la communauté internationale que la Pologne est responsable du déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale. Comme elle essaye de le faire aujourd’hui avec l’Ukraine, accusée d’être responsable du conflit, justifiant l’annexion de la Crimée et du Dombass…

Ces mensonges qui travestissent la vérité en l’inversant totalement, le complotisme et le négationnisme, sont la signature de toutes les idéologies totalitaires. Le trumpisme s’en est également fait le champion, mais aussi bien des dictatures africaines, chinoises, ou autres.

Les comparaisons historiques sont toujours risquées, mais il est difficile d’y échapper aujourd’hui. Il est vital de ne pas commettre les mêmes erreurs. Et c’est tout à l’honneur des Etats européens et des Nations Unies d’avoir condamné dès le premier jour l’agression russe en Ukraine et de soutenir la population et l’armée ukrainienne dans son combat pour la liberté et l’intégrité territoriale. Nous payons actuellement le prix de ce soutien, lequel entraîne de lourdes difficultés à notre économie et impacte durement le bien-être de nos citoyens. 

On peut espérer que cela ne dure pas trop longtemps. Mais au moins nous pourrons nous regarder sans honte dans le miroir, et nous aurons envoyé un signal fort au maître du Kremlin (et à tous les maîtres du monde) : Là s’arrête le mensonge du mal, et la justification fausse de la violence. Les régimes forts ne sont pas éternels, heureusement, mais c’est toujours la passivité ou l’indifférence aveugle des hommes libres, qui les ont laissé prospérer et fait accroître leur pouvoir.

Comme pour tous les autres avertissements, les défis qui attendent nos communautés, notre pays et enfin toute la planète, il nous faut d’abord ouvrir les yeux et bien les regarder enfin en face. Pas pour s’enfermer dans la peur ou le « chacun pour soi », mais avec la force que nous donne la foi en nos valeurs, qu’elles soient chrétiennes à l’origine ou sécularisées, s’engager pleinement pour défendre ces mêmes valeurs -dont fait partie la démocratie- et les transmettre aux générations suivantes. Et aussi, probablement, nécessairement, réinventer un nouveau pacte social pour que toutes les parties de la société partagent les efforts et les fruits…

Sinon, il se pourra bien que ce sera comme au temps de Noé et du déluge…