Une rencontre avec Ponpon Luntadila, notre vicaire

 Je le croyais Rwandais; il est Congolais. Je le pensais âgé de 47 ans, malgré son air juvénile: il a vu le

La vocation de notre vicaire
remonte à ses quinze ans

jour à Kinshasa, il y a quarante ans de parents «nés au Congo central» et venus travailler dans la capitale de la République Démocratique du Congo (RDC). Son air juvénile ne trahit toujours pas son âge! Il fait partie de l'ordre des Oblats de l'Immaculée conception. Voilà, en peu de mots, résumé le parcours de vie de notre vicaire, Ponpon Luntadila. 

J'ai donc voulu en savoir plus à son sujet, et me suis (longuement) entretenu avec lui dans sa résidence du presbytère d'Ensival.

De quand date votre vocation?

J'ai eu l'idée d'entrer au séminaire ou au couvent, alors que j'étais en humanités. J'ai commencé comme aspirant chez les Oblats de l'Immaculée Conception, alors que j'étudiais la biologie chimique, en quatrième année d'humanités. Auparavant, je ne connaissais pourtant pas cet ordre: c'est un ami, au niveau de ma paroisse qui m'en a parlé. J'ai été d'accord pour aller voir de quoi il s'agissait. Nous avons assisté à une première récollection... et moi, j'ai continué.

Et quelle a été votre formation?

D'abord trois ans comme aspirant: les quatrième, cinquième, et sixième années d'humanités. Une fois obtenu mon diplôme d'État, j'ai entamé la formation proprement dite, avec d'abord deux années de pré-noviciat, dans la province du Bandundu. Et puis trois ans de philosophie à Yaoundé, au Cameroun. Je suis ensuite rentré en RD, pour une année de stage, avant de commencer trois années de théologie à Kinshasa même, puis une année de graduat en missiologie.

En missiologie? 

Beaucoup de prêtres eux-mêmes ignorent l'existence de cette discipline. C'est simplement une branche de la théologie centrée sur la mission.

Ce premier cycle terminé, vous êtes envoyé en Italie. Par qui? 

L'Ordre des Oblats de l'Immaculée Conception est un ordre international, dirigé au sommet par un chapitre général, qui réunit des délégués des diverses provinces. C'est ce chapitre qui élit le supérieur général de l'Ordre et son conseil, mais il réfléchit surtout à notre engagements d'oblats, par rapport aux enjeux actuels. Ensuite, il y a les responsables provinciaux: en Afrique, le Congo forme une province avec le Cameroun et Madagascar. Et c'est le responsable de cette province qui m'a envoyé en Italie, et plus précisément dans le diocèse de Conversano-Monopoli, dans la province de Brindisi, dans la région des Pouilles, dans l'extrême sud du pays. (NDLR: dans le «talon de la Botte», pour bien situer... )

Allora, Lei parla italiano?

Oui, évidemment!

Vous l'aviez appris avant de partir, ou vous l'avez appris sur place? 

Je l'ai appris sur place, au contact des gens

Quel était votre rôle?

En Italie, Ponpon Luntalidla était vicaire
de paroisse à Cisternino

J'étais vicaire de paroisse, en charge de la catéchèse des enfants. Mais je suis rapidement entré en contact avec des jeunes, qui préparaient leur confirmation. En adoptant leur langage, j'ai eu avec eux des échanges théologiques, simplifiés bien sûr. mais aussi des débats de société sur des questions comme l'homosexualité, l'avortement, le cas des divorcés remariés, l'éducation des jeunes etc. Ils m'ont posé beaucoup de questions, auxquelles j'ai essayé de donner des explications, en partant de la position de l'Église, et en tenant compte de la réalité de la sociét.

Sur ces questions, les positions de l'Église peuvent apparaître rigides, voire rétrogrades? 

Ce que l'Église dit a un fondement biblique. Elle a aussi sa tradition: ce n'est pas quelque chose qui tombe du ciel. L'Église n'est pas pourtant un cercle fermé; elle est ouverte! Jésus lui-même est allé vers les publicains.

Dans les Pouilles, vous avez été au contact de la pauvreté...

Dans la paroisse de Cisternino, où j'étais affecté, j'ai vu beaucoup de jeunes partir pour le nord de l'Italie, la Suisse, ou l'Allemagne, où ils ont plus de chances de trouver du travail. C'est aussi une réalité, dont on doit tenir compte.

L'Italie a un gouvernement dirigé par une nostalgique du régime de Mussolini. Et les réseaux mafieux sont fortement implantés dans le sud du pays. Avez-vous été confronté au racisme? Et à ces réseaux?

Non, mais j'étais dans un petit village, où l'esprit religieux règne encore, et qui échappe à des phénomènes plus urbains. Par ailleurs,je n'étais pas le premier prêtre congolais dans la région, et je n'ai pas dû faire face à des remarques racistes. J'ai retiré beaucoup d'expériences positives de ce séjour.

Puis vous avez été envoyé en Belgique...

À nouveau par le provincial des Oblats, qui a remplacé celui qui m'avait envoyé en Italie.

Vous venez parfaire votre formation?

Je poursuivrai mes études de théologie à partir de septembre, à Louvain-la-Neuve, où je compte achever un master, et éventuellement poursuivre un doctorat.

Vous êtes arrivé dans le diocèse de Liège, plus particulièrement dans l'unité pastorale de Dison...

Le diocèse de Liège m'avait été désigné. Afin, ici aussi, de préparer les études par une expérience de terrain...

Cela vous change de l'Italie, où les églises étaient pleines le dimanche...

C'est vrai qu'ici, les célébrations se font  plutôt dans les petites chapelles

Chez nous, ce sont plutôt des personnes âgées que vous voyez dans les églises...

C'est vrai que l'absence des jeunes est frappante dans les célébrations, en dehors des jeunes qui suivent la catéchèse ou qui préparent la confirmation. Il faut reconnaître qu'après la confirmation, ils disparaissent pour la plupart, pour ne revenir que pour leur mariage, un baptême, ou des funérailles. Mais il y a un aspect positif, c'est l'accueil chaleureux que j'ai reçu au niveau des différentes communautés. Une chaleur qui m'a rappelé la chaleur des relations humaines en Italie. Je me sens tombé dans un terrain fertile. Les gens sont ouverts, et le dialogue s'engage très rapidement. On ne vient pas seulement pour célébrer l'eucharistie, mais il y a un moment de convivialité et de partage. Pour moi, c'est très important en Église.

«Évangéliser les pauvres aux multiples visages»

Quelle est la spécificité des Oblats de l'Immaculée Conception? Leur philosophie se résume à «évangéliser les pauvres aux multiples visages», résume Ponpon Luntidula. 
Une philosphie qui est celle de l'Ordre depuis sa fondation par saint Eugène de Mazenot (1782-1861), un prêtre français «dont le père, un homme riche, était royaliste. Ils se sont exilés en Italie à Palerme, Naples, Venise, au moment de la Révolution française». C'est là qu'il rencontre un prêtre «Don Bartolo Zinedi, dont il dira que c'est lui qui est à l'origine de sa vocation».
Revenu en France, il devient prêtre diocésain. Puis a l'idée de créer un Ordre, dédié aux pauvres. C'est chose faite le 25 janvier 1816, à Aix-en-Provence, afin de revivifier l'Église de Provence, notamment par un apostolat missionnaire dans les zones les plus défavorisées. Il est aujourd'hui présent dans le monde entier, «avec la même philosophie, de s'occuper des pauvres, non seulement matériels mais aussi spirituels. Voilà pourquoi on parle de la "pauvreté aux multiples visages". Et on ajoute "qu'aucune mission ne nous est étrangère". On s'adresse aussi bien aux enfants qui ont besoin d'un accompagnement, des adultes analphabètes, des personnes âgées en quête de quelqu'un à qui parler... On essaie de voir les besoins qui se présentent, et leur donner une réponse».