L’Avent, passer des pantoufles au
baluchon !
Je lisais récemment un
interview du philosophe Pascal Bruckner qui relevait dans son dernier essai
« Le Sacre des pantoufles » que ce n’est pas la tyrannie sanitaire
des confinements qui nous menace aujourd’hui mais une tyrannie sédentaire apparue
ensuite quand les confinements ont été levés : une sorte d’isolement
volontaire, un « repli sur les pénates ». Notre univers s’est
rétréci, et souvent de notre propre chef. Le télétravail, le streaming ou les
livraisons à domicile n’ont pas disparu après le confinement, que du contraire.
Et beaucoup de gens hésitent à sortir : que ce soit pour aller au théâtre
ou même à la messe. Les écrans, la télé et l’internet ont remplacé le contact
vivant, direct. Il n’y a que les cafés et les restaurants qui arrivent encore à
faire le plein, derniers bastions.
Cette tendance latente à
se trouver bien chez soi et à ne pas en sortir sans nécessité vitale, sorte de
« cocooning » qui existait déjà dans les années 1980, s’est trouvé tout
à coup renforcée quand à peu près quatre milliards d’humains se sont enfermés
chez eux et pour la plupart n’ont pas si mal survécu que cela. Certains ont
même regretté que cela s’arrête si vite ! Ce phénomène est accentué par la
perception que beaucoup aujourd’hui ont du monde extérieur devenu un monde
dangereux, incontrôlable, avec des épidémies, le réchauffement climatique, la
guerre, le terrorisme, et le voisin qui mijote on ne sait quoi… Au plan
national et international, on constate un repli analogue sur sa terre, sa
communauté, sa culture – repli propice à tous les nationalismes, séparatismes
ou brexits…
Face à cette tendance (que tout le monde ne
partage pas, heureusement !), l’Avent, lui, nous invite à sortir. Sortir
de nous-mêmes, sortir de chez soi. Aller vers l’Autre, les autres.
N’oublions pas que notre Dieu est un « Dieu en sortie » (Pape
François) : c’est cela, l’Incarnation. Si Dieu n’était pas sorti de son « ciel »
pour aller se balader parmi les hommes, il n’y aurait pas de Noël ! Aussi,
cette année, nous vous invitons à vous munir de votre bâton de pèlerin et de votre baluchon pour avancer ensemble le long du chemin qui nous
mène vers Noël. Nous aurons l’occasion, au fil des dimanches de l’Avent, de l’enrichir.
Car ce baluchon qui sera exposé dans toutes nos églises
avec la crèche est en effet à l’image de ce vécu que chaque individu acquiert tout au long de sa vie, marquée par des rencontres, des expériences, des obstacles également. Il est le reflet de nous-mêmes ; ce que nous y mettons dépend de nous. Le choix nous revient de choisir l’essentiel plutôt que
la futilité, la vraie richesse au lieu
de l’excès à outrance.
Nous sommes appelés à être conscients que si notre baluchon peut parfois déborder, celui d’autres peut être très vide d’éléments vitaux comme c’est le cas de l’alimentation, de la capacité de se chauffer, de se déplacer, de
trouver du travail, d’avoir des soins de santé… Il faut donc pouvoir agir pour que chacun et chacune puisse avancer sereinement et durablement. C’est le
but de la Campagne d’Avent de « Vivre Ensemble » que nous a
présentée notre regretté Paul Rixen, et dont le thème cette année est le
droit à l’alimentation. Le défi est immense et demande l’engagement de
tous, celui des individus comme des pouvoirs publics car le problème est
structurel : les personnes ayant fait appel à l’aide alimentaires sont
passées en un an de 430.000 à 600.000 rien qu’en Belgique. Cela nous interpelle
et nous invite à être généreux lors de la collecte de l’Avent les 10 et 11
décembre. Une « balade citoyenne » sera aussi organisée à
Verviers le 8 décembre prochain.
En route vers Noël, nous sommes invités à entrer dans la joie et le partage, à voir le positif chez l’autre comme en nous-même et à nous en réjouir. Nous réjouir d’accueillir
aussi le baluchon des autres, comme celui de notre nouveau vicaire Ponpon,
arrivé enfin juste à temps pour vivre l’Avent avec nous tous ensemble.
Bon temps de l’Avent ! votre curé Bernard